Le 15 janvier 2015, la Cour de cassation a précisé la notion de préjudice d’établissement dans le cadre d’une hypothèse particulière : celle d’un homme marié, père de trois enfants, devenu tétraplégique à la suite d’un accident de la route. Celui-ci sollicite la réparation de ses préjudices, dont le préjudice d’établissement, dans la mesure où il s’est séparé de son épouse après cet accident.
Le préjudice d’établissement est autonome
Conformément à la définition de la Cour de Cassation, « le préjudice d’établissement consiste en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap ».
Le préjudice d’établissement est un préjudice à part entière, indépendamment du préjudice d’agrément ou du préjudice sexuel.
Par conséquent, les répercussions d’un handicap sur les projets familiaux comme, avoir une vie de couple et élever ses enfants, constituent un préjudice autonome indemnisable.
Le préjudice d’établissement en cas d’union antérieure
La Cour de cassation a affirmé, le 15 janvier 2015, que :
« Viole l’article 1382 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la Cour d’appel qui, pour débouter la victime de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice d’établissement, retient que ce préjudice n’existe pas en l’espèce, puisque préalablement à l’accident, la victime avait fondé un foyer et qu’il a eu trois enfants, lesquels, selon l’expertise, continuent à lui rendre visite régulièrement en dépit de la rupture du couple parental, alors que le préjudice d’établissement recouvre, en cas de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale. »
Ainsi, selon la Cour d’Appel, seules les personnes n’ayant pas fondé de foyer antérieurement à leur dommage ou encore celles ayant perdu tout lien avec leur conjoint et enfants pourraient se prévaloir de ce préjudice !
Or, cette position est différente de celle retenue par la nomenclature Dintilhac, qui, dans son rapport, définit le préjudice d’établissement de la façon suivante :
« Ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d’espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale « normale » en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteint la victime après sa consolidation : il s’agit de la perte d’une chance de se marier, de fonder une famille, d’élever des enfants et plus généralement des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l’obligent à effectuer certaines renonciations sur le plan familial ».
En l’espèce, il est légitime de considérer qu’en devenant tétraplégique, le demandeur était contraint d’effectuer des renonciations sur le plan familial, quand bien même il aurait gardé de bonnes relations avec ses enfants après la séparation du couple.
Son handicap va complexifier voire compromettre ses chances de reconstruire un nouveau foyer et c'est avec bon sens que la Cour de Cassation reconnait le droit à indemnisation de cette victime tétraplégique au titre du préjudice d'établissement.